Pascal Aubrit

Cabinet de Psychothérapie et de Coaching à Auvers-sur-Oise (95)

Une leçon de vie des Monty Python

Dépréciation de soi

Je suis très ennuyée de venir ici me plaindre de mes petits problèmes, alors que d’autres personnes souffrent vraiment, enfin je veux dire, plus que moi. Cette personne que j’ai croisée tout à l’heure dans votre salle d’attente semblait aller très mal, j’ai culpabilisé à l’idée que je venais  avec des futilités, alors que certains ont de vrais enjeux…

Pour un psy, ce discours est familier. Il est particulièrement énoncé par des personnes qui ont grandi dans des familles où la plainte est proscrite. Construits dans l’âpre et le dur, forgés pour avancer dans la vie sans rechigner, ils ont fini par oublier qu’il leur était possible de se plaindre sans qu’on les taxe de faiblesse ou d’apitoiement facile.

A l’inverse, en psychothérapie, on apprend à ne pas se comparer ; qu’il y a certes toujours plus malheureux et plus misérable que soi, mais que ça n’en fait pas une raison suffisante pour se taire lorsqu’on souffre.

Bien sûr, la plainte n’est pas une fin en soi, comme l’a souligné François Roustang, ni la thérapie une jérémiade interminable sur la condition humaine. Mais se plaindre est une étape nécessaire. Tout comme un alcoolique ne peut se soigner tant qu’il n’admet pas son état, aller mieux est très difficile si je n’assume pas que je vais mal.

Mais mal comment ? Puis-je dire que je vais mal alors que je ne vais pas si mal que ça ? C’est ici que les Monty Python et leur Flying circus viennent nous montrer à quel point ma souffrance n’est pas comparable avec celle d’un autre.

Four Yorkshiremen, narcissisme en creux

Le sketch qui suit dans cette vidéo s’intitule Four Yorkshiremen. Il met en scène nos quatre comparses dans une ambiance on ne peut plus britannique. Smoking tiré à quatre épingles, cigare et brandy à la main, la discussion de ces quatre gentlemen s’apprête à raconter l’épopée de leur réussite financière et de leurs succès, quand elle prend soudain une tournure toute autre. En effet, le narcissisme qu’on pensait voir apparaître dans le récit de leur success story ne devient visible qu’en négatif, à travers une succession de récits d’enfance bafouée, plus sordides les uns que les autres. C’est à celui qui aura été le plus pauvre, malheureux, battu… Le running gag étant le suivant : comment peux-tu te plaindre, chez moi c’était pire !

Le récit tourne vite à l’absurde, nous démontrant qu’il est aberrant de vouloir comparer deux existences différentes. Ma vie, ma souffrance, ma trajectoire, sont miennes, donc uniques. Savoir que d’autres enfants que lui mourraient de faim au Soudan ou en Chine (à l’époque) n’a jamais aidé un enfant à apprécier les épinards.

3 astrophysiciens dans un taxi, l’humilité narcissique

Ce sketch des Monty Python montre également la manière dont le narcissisme vient se loger à des endroits inattendus. Car l’enjeu pour chacun des 4 yorshiremen est bien d’apparaître comme le plus grandiose, du fait d’être revenu du fin fond des enfers. Cela me rappelle une histoire tout aussi absurde et paradoxale, où le narcissisme des protagonistes est rattaché à l’enjeu d’apparaître comme le plus humble :

Trois astrophysiciens se trouvent dans un taxi entre le lieu de la conférence qu’ils viennent de tenir et leur hôtel. Après un bref moment de silence, le premier s’exprime ainsi : « Quand je pense à l’immensité de l’univers et à la petitesse de mon savoir, je me dis que je ne suis rien du tout. »

Les deux autres acquiescent en silence, puis le second astrophysicien prend la parole à son tour d’un ton pénétré : « Quand j’entends ce que j’entends et que je pense à l’infinité du temps, je me dis que je ne suis qu’une poussière dans l’univers. »

Chacun prend un temps pour mesurer les paroles qui viennent d’être dites, puis le troisième s’élance à son tour : « Quand je pense à la somme des connaissances que je n’ai pas et n’aurai jamais le temps d’apprendre, et quand j’entends ce que j’entends, je me dis… (Il marque un temps) Je me dis que je suis microbien. »

Le silence qui suit ces déclarations vient finalement à être interrompu par le chauffeur de taxi : « Quand je pense à la somme de connaissances que vous représentez tous les trois et quand j’entends ce que j’entends, je me dis que moi, je suis moins que rien du tout ».

Les trois astrophysiciens se regardent alors, interloqués, avant d’apostropher le chauffeur : « Mais pour qui se prend-il, celui-là ? »

 

Pour aller plus loin :

  • François Roustang, La Fin de la plainte, où l’auteur s’intéresse à ce qui se produit quand on sort de l’épanchement, lorsqu’on arrête de se plaindre pour prendre pied différemment dans l’existence.
  • Une autre version du sketch des Monty Python « Four yorshiremen », excellente mais non sous-titrée :

Image du bandeau : Eduardo Unda-Sanzana, CC BY 2.0  via Wikimedia Commons

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Pascal Aubrit, psychothérapie relationnelle et coaching à Auvers-sur-Oise (95)

séminaire d'été CIFPR au Hameau de l'étoile

Séminaire d’été du CIFPR au Hameau de l’étoile

Chaque année en dernière semaine d’août se tient le séminaire d’été du CIFPr (Centre Interdisciplinaire de Formation à la Psychothérapie Relationnelle). Cette école de formation à la psychothérapie multiréférentielle, la dernière à proposer un cursus transversal depuis la fermeture de la regrettée Nouvelle Faculté Libre, ouvre alors ses portes aux professionnels extérieurs ou aux patients déjà en thérapie.

Irvin Yalom passe le flambeau

La transmission d’Irvin Yalom

En 2002, le célèbre romancier et psychothérapeute existentiel américain Irvin Yalom publie L’Art de la thérapie[1], un ouvrage de transmission qui s’adresse aux jeunes générations de psychothérapeutes. Âgé de 71 ans (il en a 92 à l’heure où j’écris ces lignes), Yalom sent qu’il parvient à un moment de sa vie où la transmission devient un but majeur ; il souhaite laisser quelques traces de son expérience clinique d’un demi-siècle pour les générations de thérapeutes à venir.

articles et billets sur l'escrime vue par un psy

Escrimement vôtre, 2018-2021

Je poursuis ce mois-ci le recueil des billets traitant de près ou de loin à l’escrime, publiés sur ce blog depuis 2017. La première partie de cette compilation est disponible ici.

compilation articles escrime

Escrimement vôtre, 2017-2018

Depuis le début de blog, fin 2016, j’ai publié un certain nombre de billets traitant de l’escrime sous un angle psy. Ces billets ont permis il y a quelques années à mon blog de gagner en visibilité, en particulier grâce au maître Michel Sicard, qui les avait répercutés à plusieurs reprises sur sa page Facebook à l’époque.

Avant d’avoir le temps de poursuivre ce travail en rassemblant ces articles et d’autres non publiés dans un futur livre, voici  la première partie d’une compilation de ces billets, publiés en 2017-2018.

Des films et des émotions

Depuis le début de blog, fin 2016, j’ai publié un certain nombre de billets sur le cinéma, toujours selon le même procédé et avec le même objectif : relier une œuvre cinématographique connue à un concept, une émotion ou à un fonctionnement psychique que je souhaitais mettre en exergue.

On ne se baigne jamais deux fois dans la même eau - Héraclite

Quand on change, on a changé

On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. (Héraclite)

Il est des phrases qui marquent un parcours, au point qu’elles nous reviennent régulièrement en écho plus tard. Quand on change, on a changé, était l’un des mantras de Nicolas de Beer et Isabelle Laplante, auprès de qui je me suis formé au coaching entre 2009 et 2011. Ils exprimaient là leur croyance dans un monde en perpétuel changement, en un équilibre sans cesse renégocié. Une croyance qui nous soutient lorsque la vie nous fait croire à un douloureux retour en arrière.

Décès Guy Berger, la multiréférentialité orpheline

Décès de Guy Berger, la multiréférentialité orpheline

Guy Berger est décédé ce 12 juin 2023 dans sa 91e année.  Pionner et fondateur de l’université de Paris 8 Vincennes – Saint Denis, il était également le co-inventeur du concept de multiréférentialité avec Jacques Ardoino.

Le corps, angle mort du système éducatif

Robert, qui a mon âge, vit en amitié avec son corps, c’est tout. Son corps et son esprit ont été élevés ensemble, ils sont bons camarades. Ils n’ont pas besoin de refaire connaissance à chaque surprise. Si le corps de Robert saigne, ça ne le surprend pas. Si le mien saigne, la surprise me fait m’évanouir. Robert sait bien, lui, qu’il est rempli de sang ! Il saigne parce qu’il vit dans un corps. Comme saigne le cochon qu’on saigne ! Moi, chaque fois qu’il m’arrive quelque chose de nouveau, j’apprends que j’ai un corps !

Daniel PENNAC, Journal d’un corps

formation psychothérapie relationnelle CIFPR

Formation à la psychothérapie relationnelle au CIFPR

J’ai effectué ma formation de thérapeute au CIFPR, le Centre Interdisciplinaire de Formation à la Psychothérapie Relationnelle, basé à Paris.

Après y avoir été étudiant, et comme l’annonce cette brève sur son site officiel, j’en deviens désormais le directeur-adjoint, secondant Philippe Grauer, son fondateur et actuel directeur, avec qui je partage une grande amitié depuis vingt ans. Voici une brève histoire de mon lien avec cette école.

Hyper, hyposensibles, ou simplement sensibles ?

De nombreuses personnes frappent à la porte des psys lorsqu’elles ont des difficultés à réguler leurs émotions. Ce qui était vrai hier l’est encore plus aujourd’hui, la période de pandémie dont nous sortons à peine a mis les psychismes à rude épreuve. Nous ne mesurerons probablement que dans quelques années ou décennies le niveau et le nombre des vagues de conséquences, probablement aussi nombreuses que celles qui dénombraient les rebonds du virus.

Quitter Vilvoorde

J’ai découvert Jacques Brel à 18 ans, un âge où le romantisme envahit logiquement l’existence. Je connaissais bien sûr ce personnage qui m’avait fasciné, enfant, par son physique étonnant, son accent belge au corrrrdeau, ses prestations scéniques en noir et blanc, où il apparaissait dégoulinant de sueur et sa dentition de cheval, comme il le chantait lui-même.

La Crise, l’expression de la saine colère

 

Souvent subie plus que souhaitée, la colère fait partie des émotions de base, comme on peut l’apprendre de façon agréable aux enfants grâce à l’excellent Vice-Versa, que j’avais chroniqué ici. Je ne m’étendrai pas sur la colère en elle-même, il existe une littérature psy plus que conséquente sur le sujet. On en trouve en particulier sur les bienfaits de la colère, lorsqu’elle peut être mobilisée sans violence, dans l’expression d’une bonne agressivité, afin d’affirmer une position et de mettre des limites aux autres.

Déménagement du cabinet de psychothérapie à Auvers-sur-Oise

Après trois années passées à La Prairie, sur les hauteurs de Pontoise, je déplace mon cabinet pour emménager à Auvers-sur-Oise (95).

bancs solidaires, quand on inverse les rôles

Bancs solidaires, l’inversion des rôles institutionnalisée

Je suis comme tout le monde. La quantité de choses déroutantes, inappropriées, voire affligeantes, auxquelles nous confronte cette époque étrange, me fait violence, et plus encore lorsque cela touche les enfants. C’est ainsi, je continue de bondir, parfois, lorsque je me rends compte que les adultes embarquent ces derniers dans des histoires qui ne devraient pas leur échoir.

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