Cela fait bien longtemps que mes collègues qui œuvrent dans le travail psychocorporel me conseillent de voir ce fameux documentaire sur les fascias, disponible en replay sur Arte, et dont je vous mets le lien YouTube ci-dessous. J’ai fini par m’exécuter et n’en suis pas déçu, au contraire.

L’engouement scientifique récent pour les fascias

Ce documentaire réalisé en 2018 retrace les avancées scientifiques récentes concernant le tissu conjonctif qui compose notre corps à 80%, et en particulier les fascias, membranes fibro-élastiques qui enveloppent et soutiennent l’ensemble du corps. Parent pauvre de l’anatomie jusqu’à la fin du XXe siècle, les fascias suscitent de plus en plus de curiosité de par les liens qu’ils entretiennent avec le mal de dos, douleur du siècle, mais aussi avec certains cancers. On découvre également dans ce documentaire comment l’étude des fascias permet de relier des théories présentes dans l’acupuncture, l’ostéopathie, les chakras… La science explique toujours à retardement ce qu’on expérimente depuis des années, voire des millénaires. L’étude des fascias permet en outre de comprendre de façon simple et imagée pourquoi la sédentarité augmente les risques de douleur, et par conséquent pourquoi l’exercice permet de se sentir mieux.

La structure et le flottement

Mais ce qui m’a particulièrement étonné en visionnant ce film, c’est le renversement de paradigme que l’étude des fascias nous propose, relativement à notre image du corps. Traditionnellement, notre squelette, et en particulier notre colonne vertébrale, sont vus comme la structure permettant de soutenir l’édifice corporel. Dans mon imaginaire, les forces s’exercent sur cette structure comme le poids d’une maison sur ses murs porteurs et la colonne vertébrale fournit un effort pour permettre à l’ensemble de reposer sur elle, en particulier la tête, siège de l’esprit dans l’imaginaire occidental. Or, ce que dit l’un des scientifiques interrogés, c’est que cette vision est erronée. En effet, sans les fascias, cette membrane fibreuse blanchâtre qui entoure chacun de nos os et de nos organes (20 kilos environ dans le corps d’un adulte, excusez du peu), notre squelette se disloquerait comme un château de cartes sous le vent. L’image que propose ce scientifique en lieu et place de notre modèle anatomique traditionnel est celle d’une enveloppe souple au sein de laquelle flotteraient nos os et nos organes.

Nous voilà rendus à l’élément liquide dont l’extraction représente le premier traumatisme de la vie, disait Otto Rank. Pourquoi pas, cela engage en tout cas à penser différemment les notions de posture et de mouvement, dans un modèle en congruence avec ce que nous dit la science depuis longtemps : notre corps est composé d’eau à 60%.

Image inconsciente du corps

Lorsqu’on demande à des patients de dessiner leur corps, ceux qui souffrent de douleurs musculo-squelettiques représentent souvent d’importants éléments de rigidité, armure de chevalier, exosquelette, pour imager les tensions présentes en eux. Il arrive également que des personnes – souvent structurés sur un versant psychotique – représentent leur corps exempt de tout édifice porteur, comme invertébré. La représentation à laquelle peut nous amener les fascias serait différente encore : comme une structure dans une non structure. En réalisant ma propre difficulté pour me représenter cette image, je mesure à quel point elle est différente de ce que j’ai étudié en anatomie lorsque j’étais jeune. Françoise Dolto parlait d’image inconsciente du corps, mais celle-ci est à la fois nourrie de notre expérience intime et des modèles que nous avons intégré de l’extérieur. Que donnerait l’image que je me fais de mon corps si j’avais appris que mes os flottent dans un réseau souple et liquide ?

Tenir et lâcher

Dans le travail en psychothérapie, la question de tenir et de lâcher est souvent présente, voire centrale. D’où l’ineptie du lâcher-prise que nous vend le développement personnel à tire-larigot, puisque certaines personnes ont au contraire besoin d’apprendre à agripper, retenir, garder, plutôt qu’à lâcher, partir, laisser filer. Les douleurs dans le dos et les épaules, quant à elles, sont souvent liées à d’importantes tensions que le corps s’impose pour tenir. Là peut-être, il va falloir apprendre à lâcher, mais cela peut terrifier. Lâcher évoque l’effondrement, le risque de tout perdre, l’écroulement du château de cartes que je mentionnais plus haut. Que se passerait-il si l’on pouvait envisager de se laisser porter par cette fameuse structure – non structure qu’évoquent les fascias, plutôt que de risquer la chute soudaine et brutale ?

Cela vaudrait le coup d’essayer en tout cas. Bel été à toutes et tous !

Pour aller plus loin :

 

Image du bandeau :  Joyce McCownUnsplash

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Pascal Aubrit, psychothérapie relationnelle et coaching à Auvers-sur-Oise (95)

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