À l’instar d’une part grandissante des thérapeutes de ma génération, j’ai exercé le coaching avant la psychothérapie. Néanmoins, je n’ai pas stationné longtemps dans le monde coach et ai rapidement éprouvé le besoin de me remettre en route…

Une offre pléthorique et tronquée

À cela il y a plusieurs raisons. D’abord, je suis arrivé après le raz-de-marée coaching. On pourrait même parler de tsunami. Lorsque je me suis formé, certains anciens parlaient déjà d’un terme galvaudé, obsolète, et cherchaient à se renommer pour s’extraire de la masse protéiforme des coachs en tout genre. On ne se disait plus entraîneur personnel, mais coach sportif ; on ne se disait plus coiffeur-visagiste, mais coach beauté. Tous les experts affublaient leur pratique du préfixe « coach », allant à l’inverse de la dénomination d’origine qui consiste justement à accompagner une personne dans une posture non experte au regard du contenu.

Autrement dit, si le coach – comme le psy – possède une certaine expertise dans des domaines ayant trait aux relations et à la condition humaine, il n’est pas censé connaître le domaine dans lequel exerce son client sur le bout des doigts, et même s’il se trouvait qu’il en eût l’expertise, il se garderait bien de donner des conseils puisque ça n’est pas son rôle. Cela, j’ai pu le vérifier durant mes tout premiers coachings. Quel confort que de ne rien comprendre à ce que nous raconte le client quant à la partie technique de son travail ! Cela permet de se consacrer à tout le reste. Et à l’inverse, qu’il est compliqué d’accompagner quelqu’un lorsqu’on connaît très bien le domaine dans lequel il exerce, puisqu’il faut alors se débattre avec nos projections, toutes ces choses que nous ferions si nous étions à la place de l’autre, mais qui ne fonctionneraient probablement pas s’il le faisait, lui, et pour cause. Nous ne sommes pas à sa place.
Certains résument ça en disant que le coach intervient lorsque le conseil a échoué ; ce dont François Roustang propose une traduction dans son éloquent « J’ai tout compris mais rien n’a changé. »
Alors oui, voir ainsi fleurir partout des coachs qui faisaient autre chose que du coaching, ce fut assez pénible. Et ça ne s’est pas arrangé depuis.

Un discours pas forcément congruent

Une autre difficulté – qui demeure la mienne aujourd’hui – était celle liée à la congruence du discours. Le monde coach (celui des psys l’est parfois aussi) est souvent emprunt d’un discours plaqué, hybride entre le marketing et le développement personnel de grandes surfaces. J’ai bien essayé, comme tout le monde, mais je ne suis jamais parvenu à me sentir à l’aise en énonçant que le coaching permettait d’atteindre ses objectifs en ouvrant le champ des possibles afin de parvenir à un lâcher-prise par la mise en autonomie et l’acquisition d’une posture plus assertive de nature à fluidifier les rapports professionnels dans une entreprise libre, agile et respectueuse de la singularité de l’individu.
Non pas parce que je n’y croyais pas, tout ça est sans doute vrai. Mais ce ne sont que des mots tant qu’on ne les a pas éprouvés dans la chair. Ce qu’une formation impliquante à la psychothérapie menée sur cinq années et plus peut permettre de vivre, quelques modules de coaching ne permettent que de l’effleurer.

Pourtant, j’ai été gâté en choisissant l’école à laquelle je suis allé frapper quand j’ai voulu devenir coach professionnel. École désormais fermée, victime collatérale de la réforme du financement de la formation professionnelle, auxquelles n’auront survécu que les enseignes capables d’inventer suffisamment pour traverser les fourches caudines d’un invraisemblable arsenal règlementaire. Pas forcément les meilleures, mais c’est un autre débat.
Médiat Coaching portait (déjà) l’étendard intégratif et relationnel. Plusieurs disciplines pour un seul objectif : s’éprouver au contact de l’autre. Les formateurs affichaient clairement les champs théoriques auxquels ils se référaient, ce qui n’était pas toujours évident dans les écoles où une réinvention permanente de l’eau tiède était souvent préférée à une filiation bien assumée.  On y apprenait à écouter, à sentir ce que l’on vit en présence de l’autre, à observer plutôt qu’interpréter, à comprendre plutôt qu’à expliquer. Un beau strapontin vers la psychothérapie relationnelle et existentielle.

Psys et coachs, ne pas choisir un camp trop vite

Après avoir fait mes armes dans le cadre particulier du coaching professionnel, je l’ai ensuite boudé lorsque j’ai commencé à pratiquer la psychothérapie, comme l’enfant qui remise son ancien jouet au placard quand on lui en offre un neuf. Tout nouveau tout beau. Cependant, tout en le boudant je l’ai toujours défendu face aux attaques des psys qui pensaient savoir de quoi il s’agissait, alors qu’ils ne parlaient que du phénomène médiatique « coaching » que j’évoque plus haut. C’est ainsi dans les métiers de l’accompagnement, comme dans la religion, on prêche pour sa paroisse. Accessoirement on tente d’incendier les autres, c’est humain, mais c’est souvent une erreur. Et les psys ont souvent tort de taper sur les coachs car le coaching professionnel est une formidable porte d’entrée vers la psychothérapie. Moins effrayant, moins impliquant psychiquement pour le praticien comme pour le client. (Ou bien, dirons-nous pour être plus consensuel : impliquant différemment le coach et le client.)
De même, les coachs ont souvent tort de taper sur les psys, surtout lorsqu’ils s’ancrent dans la toute puissance pour dénoncer la dépendance psychanalytique sur vingt ans au profit d’un délirant « je résous tous vos problèmes en 10 séances ».
Il se trouve qu’en fait on ne fait pas la même chose. Il se trouve même que les deux interventions parfois se complètent très bien, et qu’il est confortable en tant que coach de savoir que son client est suivi en psychothérapie et qu’il a donc un lieu de sécurité régulier où il pourra aller se récupérer si le coaching secoue un peu trop fort. On ne sera pas envahi par un problème de la vie privée venu soudain s’immiscer dans le coaching, ou tout au moins on peut aider la personne à le différer dans l’espace approprié. Il sera tout aussi agréable pour un psy de savoir que son patient suit un coaching. Cela lui permettra peut-être de résoudre un point précis dans le concret et dans le présent, dans un espace où le psy risquerait d’emprunter une posture qui ne colle pas forcément avec l’objectif de la psychothérapie.

Bref, j’ai fini de bouder le coaching, intégrer des éléments nouveaux demande parfois la mise en arrière-plan de certains autres ; comme dans la rivalité, il faut du temps pour passer de la concurrence à la cohabitation.
Reste à pouvoir en dire quelque chose avec mes mots, au risque d’annuler ce que j’avançais plus haut et de m’inclure dans une forme descriptive artificielle.

Une tentative de définition du coaching…

« Le coaching professionnel c’est accompagner une personne dans un moment-clef de sa vie professionnelle, dans une relation de parité indispensable pour amener le client vers l’autonomie (auto-apprentissage, auto-évaluation et auto-génération de solutions), dans un contexte précis. »
Isabelle Laplante & Nicolas De Beer, fondateurs de Médiat-Coaching.

Comme on peut le lire ici, la différence fondamentale entre le coaching professionnel et la psychothérapie ne réside pas tant dans la posture du praticien (encore faudrait-il savoir de quel courant il se réclame) que dans un ensemble d’éléments-clés qui en constituent le cadre. Ainsi, on peut dire qu’un coaching, pour qu’il en soit bien un, se base sur les éléments suivants :

  • Un objectif précis, atteignable, parfois quantifiable, qui évite l’écueil du flou : « Je voudrais améliorer ma confiance en moi » et s’attache à la concrétude des choses : « je voudrais prendre cette décision et avoir mené telle et telle action d’ici trois mois. » L’objectif sera le plus souvent assorti de critères de réussite qui aideront à valider son atteinte ou non. Ces critères sont quantifiables, ou au moins observables. « Je considérerai que mon objectif d’entrer activement dans la recherche d’un nouveau poste sera atteint lorsque chaque semaine j’enverrai 5 candidatures, consacrerai 6 heures à la recherche sur internet et participerai à 3 heures d’ateliers ou de rendez-vous. »
    Enfin, l’objectif doit être atteignable. Ce qui signifie que le coach – en partenaire du client – vérifie auprès de lui la cohérence du projet avant de s’engager. Voilà pourquoi « trouver un travail », par exemple, n’est pas un objectif de coaching. Car son atteinte dépend de trop de facteurs extérieurs et indépendants du client, comme le contexte économique et le marché de l’emploi.
  • Un contexte identifié et unique qui sert de toile de fond à l’objectif. Ce contexte prend nécessairement racine dans le paysage professionnel, le coach et le client œuvrent à la résolution d’un problème lié au travail. Le contexte est identifié afin d’éviter l’écueil de l’errance (le problème du client se situe dans ses relations avec sa hiérarchie, mais il ne parle que de ses clients) et unique, car si le problème du client traverse l’ensemble des contextes de sa vie (c’est le syndrome du « c’est partout la même chose et depuis toujours »), alors l’indication n’est sans doute pas le coaching, mais plutôt la psychothérapie.
  • Une durée clairement définie, ainsi qu’un calendrier détaillant le nombre de séances. Prenant modèle sur les thérapies brèves, le coaching comporte un début et d’une fin contractualisés a priori. Ceci afin d’éviter les dérapages budgétaires (une entreprise s’engage sur un budget, il n’y a aucune raison pour qu’un particulier bénéficie d’un traitement différent) et l’instauration d’une relation de dépendance, bien utile à certains moments au cours d’une psychothérapie, mais contraire à l’éthique et à la déontologie du coach. Concrètement, un coaching individuel s’articule en moyenne sur 5 à 12 séances réparties dans une période de 2 à 6 mois. La durée des séances varie de 1h à 3h.
  • Un contrat qui décrit l’engagement du coach et de son client, et où les éléments précédemment cités apparaissent clairement : objectif, critères de réussite, durée et calendrier, ainsi que règles de fonctionnement (lieu des séances, nombre et durée des séances, modalités de paiement, délai d’annulation des séances en cas d’impondérable, …)

Même si ces éléments sont contractualisés, ils ne sont pas gravés dans le marbre pour autant et pourront être renégociés au besoin, avec l’accord des deux parties (ou trois, voire quatre, dans le cadre des contrats tripartites où le mandataire est l’employeur de la personne coachée). L’important ici serait de conserver une cohérence entre ce qui est annoncé en début d’accompagnement et ce qui se passe réellement durant le processus. Cohérence qui n’est pas en premier plan en psychothérapie où tout ce qui vient sera accueilli et traité indéfiniment. Cela ne signifie pas que le cadre n’existe pas en psychothérapie, bien au contraire, mais que certains éléments plus rigides sont nécessaires au bon déroulement d’un coaching, notamment pour éviter toute confusion avec un travail thérapeutique.

…qui n’est pas facile !

Première ébauche, cet article peut se compléter avec les exemples concrets d’intervention que je cite sur la page que j’ai consacrée au coaching.
Il y aurait encore beaucoup à dire, à préciser, sur les limites du coach, sur le counselling, ou sur la vraie question du coaching de vie et de la toute puissance qui peut conduire à s’imaginer coacher la vie des gens, mais ce sera pour plus tard, sinon ce premier billet sur le coaching ne sortira jamais !

Pour aller plus loin :

  • L’empire des coachs, l’ouvrage critique de Roland Gori et Pierre Le Coz dont chaque coach peut tirer le bénéfice d’une lecture éclairée.
  • Problemation, le site de Nicolas De Beer et Isabelle Laplante, auprès desquels je me suis formé au coaching et à qui j’adresse toute ma reconnaissance et mon amitié.

Image du bandeau : pine wattUnsplash

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Pascal Aubrit, psychothérapie relationnelle et coaching à Auvers-sur-Oise (95)

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