C’est la rentrée, il faudrait bien avoir quelque chose d’original à en dire. Au lieu de ça, en voulant noter une citation de Winnicott qui me plaisait, me voilà tombant sur d’autres phrases que j’avais notées lorsque j’avais une vingtaine d’années. Je réalise alors que Jeu et réalité est le premier livre de psychanalyse que j’aie lu. J’étais enthousiaste. Il y avait pire comme démarrage.

Winnicott et la psycnanalyse des enfants

Image par Cheryl Holt de Pixabay

Winnicott, une lecture à plusieurs niveaux

J’ai relu Jeu et réalité depuis, et je n’y ai pas trouvé la même chose que la première fois. J’ai découvert à cette occasion que la pensée de Donald W. Winnicott est extrêmement plus complexe qu’on veut bien le laisser entendre parfois. Clinicien génial, comme Dolto, il avait également une pensée théorique foisonnante dont on conserve aujourd’hui l’objet transitionnel, la trilogie holding/handling/object presenting, concepts prêts à porter qui ont eu des répercussions concrètes dans la vie courante de tout un chacun. Si dans les écoles maternelles on conseille aux parents de donner un doudou à leurs enfants (conseil qui devient parfois injonction, cela devient alors aussi absurde que de l’interdire), si on met en place des conditions pour que les bébés nés prématurément soient portés contre leurs parents chaque jour durant leur séjour en clinique, c’est en partie à Winnicott que nous le devons. Mais au-delà, ses écrits sont une mine de finesse clinique et intellectuelle, sous couvert d’une humilité qui force le respect. Les familiers du bonhomme connaissent évidemment son fameux « to my patients who paid to teach me » (à mes patients qui ont payé pour m’enseigner), ouverture de Jeu et réalité qui donne le ton de l’ouvrage. On connaît moins en revanche cette introduction à une conférence qui figure en ouverture du recueil La crainte de l’effondrement et autres situations cliniques :

« Je me suis rendu compte, à mesure que le temps passait, de l’énorme quantité de choses que j’avais perdue en ne reliant pas correctement mon travail à celui des autres. Ce n’est pas seulement contrariant pour les autres, mais c’est aussi grossier ; cela a signifié que ce que j’ai dit a pris l’allure d’une île : les gens doivent y mettre du leur pour y aller. Je suis ainsi fait, c’est un gros défaut ».

On y retrouve l’humilité de Winnicott, on y prend conscience de tout ce qui a pu animer ceux qui avancent sur des terres inconnues et prennent un jour conscience qu’ils ont peut-être avancé seuls. Mais peut-il en être autrement.Winnicott et la psychanalyse d'enfants à l'anglaise

Une mythologie loquace

De Winnicott, on raconte également beaucoup d’anecdotes. Légendes ou non, elles font partie du personnage. Lorsque j’étais à l’université un professeur de psychanalyse, affilié à l’enseignement de celle pratiquée outre-manche, nous avait raconté celle-ci, dont j’imagine qu’elle doit figurer dans un ouvrage, et si je la retranscris au prisme déformant de ma mémoire, qu’on me pardonne.

Des parents d’origine danoise amènent leurs enfants en consultation avec Winnicott qui se met à jouer avec eux sur le tapis de son cabinet, bref à faire ce qu’il faisait. Des années plus tard, lorsqu’on raconte cette expérience aux enfants devenus grands, ils n’en démordent pas et demeurent persuadés que durant la séance il s’est adressé à eux et a conversé dans leur langue maternelle, le danois. Or, Winnicott n’en parlait évidemment pas un mot. Mais cela illustre le lien qu’il était capable d’établir avec les enfants, tout comme Françoise Dolto (qui lui doit beaucoup également) lorsqu’elle avait l’une des fulgurances qui ont fait sa légende et dont les jeunes psys tentent en vain de déconstruire le raisonnement par lequel elle parvenait à une telle intervention. Avec Dolto, comme avec Winnicott, il ne vaut mieux pas essayer de copier, ni même de comprendre ; s’imprégner devrait suffire à l’inspiration.

[…] la psychanalyse n’est pas une manière de vivre. Nous espérons tous que nos clients en auront un jour fini avec nous, qu’ils nous oublieront et découvriront que la vie en elle-même est une thérapie qui a un sens. (Jeu et réalité)

Que dire d’autre, je n’ai pas envie de parler de Winnicott autrement que comme je viens de le faire, par l’admiration qui me relie à lui. Pour le reste, il existe une littérature foisonnante écrite par des gens beaucoup plus savants que moi. Ma seule intention consiste à partager l’émotion qui me vient lorsque je le lis. Et puis le bonhomme m’est sympathique, je n’y peux rien. (re)Lisez-le !

Pour aller plus loin :

 

 

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Pascal Aubrit, psychothérapie relationnelle et coaching à Auvers-sur-Oise (95)

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